Les fèces cachées du chasseur
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (23 janvier 2019)
Abondant au Lac Boivin, le Brochet maillé est un poisson apprécié en pêche sportive. Sa silhouette tubulaire prolongée par une tête en bec de canard permet aisément de le rattacher à la famille des Esocidae, qui comprend aussi le Grand Brochet et le Maskinongé. D’une longueur moyenne de 30 cm, il peut parfois en atteindre le double. Il a une tache sombre sous l’œil, comme une larme noire. Ses flancs sont traversés de taches irrégulières, bordées de vert foncé, et variant du jaune doré au vert olivâtre. Son nom provient de ces motifs qui rappellent les maillons d’une chaine. C’est un prédateur vorace chassant dans les eaux chaudes et peu profondes, où il s’embusque, immobile, au travers des plantes aquatiques. Rapide et vigoureux, il fonce comme l’éclair sur tout ce qui bouge, sous l’eau ou à la surface, le plus souvent des ménés ou des perchaudes, mais aussi des amphibiens, des oisillons ou de petits mammifères. Ces goûts le rendent facile à appâter et, combinés à sa vigueur combative, ils en font une cible appréciée des pêcheurs.
Le Brochet maillé reste actif tout l’hiver, sous la glace mais en eau plus profonde. La période de frai a lieu en avril et en mai. Une femelle se retrouve généralement flanquée de deux mâles de taille inférieure qui l’accompagnent dans ses déplacements. Elle pond entre 6 000 et 8 000 œufs, auxquels les mâles mélangent leur semence en agitant vigoureusement leur queue. Il n’y a pas de soins parentaux, et les œufs dispersés au courant s’accrochent aux plantes aquatiques.
La silhouette tubulaire de ce poisson et sa tête en bec de canard permettent aisément de le rattacher à la famille des brochets. Il a une tache sombre sous l’œil, comme une larme noire, qui est caractéristque de l’espèce. Ses flancs sont traversés de taches jaunâtres irrégulières, bordées de vert foncé. Son nom provient de ces motifs qui évoquent les maillons d’une chaine. – WIKIMEDIA COMMON
Les Esocidae ont un curieux comportement partagé par plusieurs membres de cette famille. Ils déposent systématiquement leurs excréments (ou fèces) dans un lieu éloigné de leur territoire de chasse. Une hypothèse retenue par les chercheurs est que ces déjections contiennent des phéromones d’alarmes provenant des écailles de plusieurs des proies habituelles des brochets (comme l’Épinoche à cinq épines ou le Méné à grosse tête). Cette adaptation aurait été sélectionnée à travers l’évolution comme stratégie minimisant l’impact de ces alertes olfactives qui autrement disperseraient et feraient fuir leur précieux garde-manger.