Partenaires en chaleur…
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (1er septembre 2021)
Sur le tronc d’un arbuste, à un mètre du sol, une drôle de bestiole semble faire la sieste. La «chose» est un peu hideuse, tel un crustacé beige et trapu, avec d’énormes yeux et de grosses pattes fouisseuses. Un geste craintif la fait choir dans un filet de capture, mais cette prudence est inutile, car la «chose» est inerte, une carcasse vide et sans vie qui était restée accrochée au tronc.
C’est l’exuvie de la Cigale caniculaire, dont s’est extrait l’insecte adulte après trois à cinq ans de vie souterraine. Un petit trou d’un centimètre au sol, au pied de l’arbuste, témoigne de la sortie de la larve pour sa dernière mue. L’adulte a l’allure d’une grosse mouche brunâtre longue de cinq centimètres et large de deux. Celle-ci a des marques vert menthe sur le dos et le «museau» ainsi que sur les nervures et la bordure externe des ailes. Deux énormes yeux encadrent sa tête que l’on dirait d’extraterrestre, et trois ocelles sont répartis sur le front entre ceux-ci. Des tigrures horizontales barrent également le devant de la face.
De la fin juillet au début septembre, l’insecte passera les dernières cinq à six semaines de sa vie à compléter le cycle de reproduction. Le mâle convie la femelle à l’accouplement par une longue sérénade entendue jusqu’à un kilomètre. Le son, qui s’apparente à celui d’une petite scie circulaire, peut atteindre 100 décibels, d’une intensité comparable au bruit d’une tondeuse à gazon. Il est produit par de petits «instruments» semblable à des timbales: deux petites cavités derrière les pattes postérieures, recouvertes d’une membrane tendue et relâchée par de puissants muscles à une fréquence de 300 à 600 vibrations par seconde.
L’insecte porte bien son nom, car il affectionne particulièrement les canicules et ne «timbalise» qu’à des températures d’au moins 23 degrés Celsius. La femelle est une «mélomane» particulièrement réceptive au concert symphonique des mâles. Après l’accouplement, elle effectue sa ponte dans les craquelures de l’écorce. Dès l’éclosion, les larves se laissent choir sur le sol et utilisent leurs puissantes pattes fouisseuses pour se frayer un chemin jusqu’aux racines, dont elles se nourriront de la sève. Quatre mues successives auront lieu durant les années passées sous terre. La cinquième se fera à l’extérieur, généralement de nuit pour éviter les prédateurs, sur un tronc où elle quittera sa vieille carapace et laissera sécher sa nouvelle parure avant d’entamer sa vie adulte, brève mais si intensément musicale.
Accouplement de Cigales caniculaires. – WIKIMEDIA COMMONS
Cigale caniculaire s’extrayant de son exuvie. – PHOTO TOM MURRAY