L'Action de grâce... des Mayas
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (16 mars 2022)
Les températures douces ont dégagé les sentiers de leur fond de glace, mais l’hiver résiste et quelques flocons s’échappent à nouveau des nuées engorgées. Le promeneur fait brusquement un pas de côté pour éviter un petit tas de fientes. Étrangement, certaines sont spiralées et d’autres prennent plutôt la forme d’un «J», car la femelle et le mâle du Dindon sauvage «signent», respectivement, de façon différente et singulière! Une petite troupe apparait d’ailleurs au prochain tournant, à une trentaine de mètres, picorant sous une mangeoire.
Ce sont de gros oiseaux brunâtres, à la tête dégarnie de plumes. Dépassant un mètre de hauteur, les femelles ont l’allure de petites autruches. Les mâles sont plus massifs, et surtout plus colorés en ce début de saison de reproduction! Ils se dandinent autour des femelles en déployant tels des paons leur queue magistrale, de couleur bronze, lisérée de noir et de blanc. Les plumes de leur dos et de leur poitrine sont hérissées et les ailes striées de blanc pendent, ouvertes, de chaque côté du corps. Leur tête nue est bleutée autour de l’œil et des appendices charnus au-dessus du bec et le long de la gorge prennent par moments une couleur vermeille sous l’afflux du sang. En plein centre de la poitrine, de longues plumes filamenteuses dessinent une curieuse barbichette.
Ces oiseaux existaient déjà, il y a cinq millions d’années, entre le sud des États-Unis et le Nord du Guatemala. Ce sont les ancêtres du dindon domestique qui trône sur nos tables à la période des fêtes et qui fait partie du menu emblématique de l’Action de grâce (Thanksgiving) chez nos voisins du sud. Importé en Espagne par les conquistadors espagnols au XVIe siècle, il a été domestiqué en Europe d’où il est revenu aux États-Unis avec les premiers colons.
Des recherches archéologiques menées au Guatemala en 2012 par l’Université de Floride ont révélé cependant que les Mayas domestiquaient déjà cette volaille au moins 300 ans avant l’ère chrétienne! Leur consommation ne semble toutefois pas associée à la boustifaille, car les ossements ont surtout été retrouvés sur des sites religieux ou funéraires. L’hypothèse des chercheurs est que les dindons faisaient partie de sacrifices rituels associés aux récoltes… tout comme l’action de grâce dont l’origine remonterait aux fêtes de la moisson célébrées chez les sociétés paysannes européennes!
Les dindons mâles sont plus massifs que les femelles, et surtout plus colorés. Ils déploient tels des paons leur queue brune, lisérée de noir et de blanc. Leur tête nue est bleutée autour de l’œil et des appendices charnus au-dessus du bec et le long de la gorge prennent une couleur vermeille sous l’afflux du sang. – WIKIMEDIACOMMONS
Une petite troupe de Dindons sauvages est rassemblée, picorant sous une mangeoire. – WIKIMEDIA COMMONS