La petite étoile des sables... perdue dans un champ d'asters
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (27 octobre 2021)
Une bise fraiche souffle sur la clairière où elle fait virevolter les feuilles des arbres voisins. Celles-ci tourbillonnent telle une neige colorée qui recouvre peu à peu les herbes hautes. Les fleurs flétries des verges d’or et des carottes sauvages ont déjà pris leurs teintes de gris et de brun. Seules quelques asters à la floraison tardive et lumineuse ajoutent à la couleur des feuilles éparses.
Au travers des petites fleurs étoilées, une étrange forme gris beige oscille au vent, anguleuse et symétrique, ciselée tel un cristal de roche. Par sa couleur et la régularité de ses lignes, elle fait un peu penser à une rose des sables, cette curieuse concrétion de gypse qui se forme aux vents des déserts. Le curieux bijou reste accroché par un mince fil de soie à une fleur de carotte sauvage, dont la délicate ombrelle séchée a pris l’apparence d’un petit nid d’oiseau.
C’est Acanthepeira stellata (du grec akantha = épine; epeira = épeire; et du latin stellata = étoilée), une petite araignée à l’allure épineuse de la famille des Araneidae. Sa taille moyenne atteint à peine le demi diamètre d’une pièce de dix sous. Le genre ne comprend que cinq espèces, dont quatre sont présentes en Amérique du Nord et une au Brésil. Acanthepeira stellata est, pour le moment, la seule des cinq qui a pu être identifiée au Canada.
C’est une araignée «orbitèle», désignée ainsi en raison de la forme orbiculaire de sa toile, dont le diamètre se déploie sur quinze à vingt-cinq centimètres. Elle tisse celle-ci à environ un mètre du sol entre les hautes herbes des champs et des prés qui constituent son habitat privilégié. Elle s’y place au moyeu, tête vers le sol, en attente des proies qui se prendront au piège. Ce sont généralement des insectes immatures de l’ordre des Orthoptères (sauterelles, criquets, grillons), mais parfois aussi des demoiselles ou de petits papillons.
Comme chez plusieurs espèces d’araignées, les oeufs sont déposés dans de petits sacs où les immatures passeront l’hiver. Ils émergeront à la fin du printemps et se disperseront par ballooning, en tissant des fils légers, déployés en éventail, dont la charge électrique négative sera attirée par la charge positive de l’air. Après le décollage, les courants ascendants les happeront vers le ciel où ils s’envoleront tel un voilier de minuscules montgolfières.
Anguleuse et symétrique, Acanthepeira stellata apparait ciselée tel un cristal de roche. Par sa couleur et la régularité de ses lignes, elle fait un peu penser à une rose des sables. – PHOTO JEAN BRODEUR
Acanthepeira stellata est souvent trouvée dans les champs d’asters, de verges d’or et de carottes sauvages. – PHOTO ALYSSAD