Le briquet de l’homme des glaces

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

Le 19 septembre 1991, un couple de randonneurs découvre par hasard, dans les Alpes de l’Ötztal, à la frontière de l’Autriche et de l’Italie, le corps momifié d’un homme préhistorique affleurant d’un glacier en fonte. Les techniques de datation permettent d’établir qu’il aurait vécu il y a environ 5 300 ans. Remarquablement bien préservé et entouré d’une multitude d’objets usuels, il fera l’objet d’études approfondies levant le voile sur les mœurs des humains à l’Âge du cuivre.

En plus de vêtements de fourrure bien adaptés au froid, Ötzi disposait d’un arc et de flèches, d’un couteau à lame de silex et d’une hache à lame de cuivre. Dans un petit sac à la ceinture, on a trouvé rassemblés des fragments d’Amadouvier, des morceaux de pyrite de fer et du silex. Or ces trois éléments sont les composantes essentielles des premiers briquets. Le souffre contenu dans la pyrite produit de bonnes étincelles quand il est percuté par une pierre dure (comme le silex), et la chair de l’Amadouvier, l’amadou, a des propriétés inflammables connues depuis les débuts de la maitrise du feu.

L’Amadouvier croît essentiellement sur les troncs de feuillus, le plus souvent des bouleaux. – WIKIMEDIA COMMONS

L’Amadouvier apparait souvent sous la forme d’un sabot de cheval grisâtre et cerclé de beige à la base. – WIKIMEDIA COMMONS

L’Amadouvier est un champignon fort répandu que l’on trouve abondamment au CINLB. Il croît essentiellement sur le tronc des feuillus, surtout le hêtre et le bouleau, mais aussi le peuplier, le chêne et l’aulne. En forme de sabot de cheval, il atteint au Québec environ 15 cm de diamètre, pour une épaisseur deux fois moindre. Les bourrelets sur le dessus sont généralement de couleur gris clair ou beige, avec une bordure extérieure brun pâle.

Outre ses propriétés d’allume-feu, l’amadou a été utilisé en médecine, aux XVIIIe et XIXe siècle, pour l’arrêt des hémorragies sévères, sans nécessiter de ligature, et pour l’assèchement des plaies. Ses propriétés astringentes provoquaient en effet une vasoconstriction si efficace, qu’il était utilisé notamment dans les amputations de guerre.

Ses puissantes capacités d’absorption de l’eau ont également été mises à profit en dentisterie, jusqu’au début du XXe siècle, pour éponger la salive et assécher les dents creusées avant leur obturation. Les remarquables propriétés de l’Amadouvier, cet autre trésor vivant du CINLB, servent ainsi l’humanité depuis des temps immémoriaux.