L’élixir du chaman

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

Dans plusieurs communautés traditionnelles, le chaman combine les fonctions de mage et de guérisseur. Il est considéré comme un interprète de l’au-delà auquel il semble avoir accès à travers rites et transes. Le chamanisme a d’abord été documenté par les ethnologues chez divers peuples de Sibérie, de Mandchourie et de Mongolie. Mais le phénomène s’est largement répandu, et a migré de ces régions vers la Scandinavie et l’Europe centrale, et jusqu’en Amérique, lors des migrations par le détroit de Béring.

Les rites permettant aux chamans de modifier leur état de conscience reposaient notamment sur la consommation de l’Amanite tue-mouches (Amanita muscaria), un champignon toxique et fortement hallucinogène. Très répandu, celui-ci affectionne les boisés de pins et de bouleaux et on le trouve aisément sur le territoire du CINLB.

À sa taille maximale, il atteint une hauteur de 20 cm et le diamètre de son chapeau fait également 20 cm. Ce dernier est orange vif et parsemé de petites verrues blanches. Le champignon émerge du sol sous la forme d’un œuf blanc recouvert d’un voile. Celui-ci, en se déchirant au cours de la croissance, lorsque s’ouvre le chapeau, donne les fragments verruqueux qui couvrent le dessus du champignon.

Le caractère toxique est dû à un composant chimique, la muscarine, et se traduit par d’importants maux de ventre, une hypersalivation, de la difficulté à respirer, des larmoiements, des vomissements et de la diarrhée. 

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L’effet psychotrope repose sur une autre substance, le muscimole. Celui-ci provoque des visions, souvent associées à des personnages extraterrestres ou de l’au-delà, à des impressions de voyage hors du corps, et à des expériences semblables à celles rapportées dans les cas de mort imminente.

Ces phénomènes particulièrement vivides ont conféré aux pratiques chamaniques leur statut de médiatrices entre le naturel et le surnaturel. Les ethnologues ont par ailleurs observé un étrange rituel chez les chamans : après leur ingestion du champignon, ceux-ci donnaient leur urine à consommer à leurs adeptes. La raison en est que la muscarine est métabolisée par l’organisme et dépouillée de ses effets désagréables et néfastes, alors que le muscimole ne l’est pas, et qu’il se retrouve alors plus pur et plus agissant dans ce qui devient… l’élixir du chaman !