Sous l’humus et l’écorce, le monstre qui luit

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

Quel organisme vivant, présent ou passé, est le plus volumineux? On peut penser à des dinosaures, dont certains individus, longs de 25 mètres, atteignaient 100 tonnes. Ou encore au Rorqual bleu, ce mammifère marin visible dans l’estuaire du Saint-Laurent, qui peut mesurer 30 mètres et peser jusqu’à 170 tonnes. Mais il existe un organisme qui dépasse très largement ces monstres en dimension… et c’est un champignon!

Le mycélium, la partie végétative des champignons, se présente comme un vaste réseau de filaments distribués dans le sol et joignant, dans un processus de mychorization, les racines et le bois vivant des arbres. Cette relation symbiotique est souvent mutuellement bénéfique, mais elle peut aussi être dangereusement parasitaire, aspirant les ressources de la plante sans la nourrir en retour, et menant généralement à sa mort. C’est le cas de l’Armillaire commun, un champignon présent au CINLB, mais également répandu dans la région. Son mycélium attaque l’aubier, la partie vivante et poreuse des arbres, par où les vaisseaux véhiculent la sève à travers la plante.

Un individu de cette espèce peut se ramifier dans le sol sur des étendues considérables! Dans la Forêt nationale de Malheur, en Orégon, un spécimen de ce champignon couvre 8,9 km2 en superficie! L’analyse génétique d’échantillons recueillis à divers points de la surface contaminée a permis aux chercheurs de confirmer qu’il s’agissait bien du même individu. Son âge est estimé à au moins 2 400 ans, et sa masse à plus de 600 tonnes!  Or la surface couverte par cet organisme correspond, à lui seul,  à plus de deux fois le territoire terrestre et aquatique du CINLB, qui inclut notamment le Lac Boivin!

Le mycélium de l’Armillaire commun attaque l’aubier, la partie vivante et poreuse des arbres, par où les vaisseaux véhiculent la sève à travers la plante. – PHOTO MICHEL AUBÉ

Le mycélium de ce champignon présente une autre caractéristique étonnante. Lorsqu’il est découvert à la noirceur, sous l’humus ou l’écorce, et qu’il est mécaniquement perturbé, il devient luminescent! Les champignons lumineux sont passablement rares, à peine 80 espèces ayant été dénombrées sur les 120 000 décrites dans le monde. Dans les conditions propices, ces espèces particulières émettent une lueur verte, d’une longueur d’ondes comprise entre 520 et 530 millionièmes de millimètre.