La bonne étoile... des apothicaires

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (13 avril 2022)

Le soleil d’avril, en alternance avec les pluies printanières, est venu à bout des dernières plaques neigeuses. Déjà, le long des sentiers, de petites fleurs jaune vif ont fait leur apparition, par touffes, çà et là, telle une bravade à l’hiver qui a «levé les pattes». À première vue, elles rappellent les pissenlits qui parasiteront les pelouses durant l’été. Mais elles sont bien plus précoces et, contrairement à eux, elles ne sont pas entourées de feuilles. Leurs tiges teintées de pourpre sont écaillées, alors que celles des pissenlits sont lisses, et leurs fleurs ont un diamètre deux à trois fois plus petit, d’à peine 1,5 centimètre.

Ce sont des «Tussillages pas-d’âne». Le nom provient des mots latins tussis (= toux) et agere (= agir sur), car la plante est connue depuis l’Antiquité comme source de médicaments contre les infections pulmonaires. L’expression «pas-d’âne» lui a été accolée en raison de la forme polygonale des feuilles qui rappelle vaguement le dessin d’un sabot. Vertes sur le dessus et duvetées en dessous, celles-ci n’apparaitront toutefois qu’après la floraison, et leur large diamètre fera huit fois celui des fleurs.

Les feuilles n’apparaissent qu’après la floraison. Leur forme évoque vaguement le dessin d’un sabot. – PHOTO MICHEL AUBÉ

Sur la tige écaillée et teintée de pourpre, le petit soleil ouvert regroupe deux types de fleurs: en languettes tout autour et tubulaires au centre. – WIKIMEDIA COMMONS

Le Tussilage appartient à la famille des Astéracées (appelées aussi Composées), comme les pissenlits, les asters ou les marguerites. Chez ces plantes, il faudrait parler d’inflorescence plutôt que de fleurs, car le petit soleil qui s’ouvre au bout de la tige est en fait composé de plusieurs fleurs. Celles-ci sont de deux types chez le Tussilage: en languettes (plus fines que chez le pissenlit) sur le pourtour et tubulaires au centre. Chacune produira un fruit sec, l’akène, prolongé d’une aigrette qui le portera au vent pour la dissémination.

Cette plante est commune des sols instables ou remués, comme les terrains vagues, et les bords de routes ou de sentiers. C’est aussi une espèce pionnière, qui recolonise les sols appauvris par le feu, l’érosion, les glissements de terrains ou la mise en friche, permettant de les enrichir pour la pousse d’autres espèces. Originaire d’Eurasie, elle a traversé les continents avec les colons, principalement en raison de ses fameuses propriétés médicinales. Aux XVIIe et XVIIIe siècles à Paris, elle était prisée par les apothicaires, ces précurseurs des pharmaciens, qui préparaient et vendaient les médicaments. Le petit soleil d’or du Tussilage ornait souvent leurs enseignes… telle une bonne étoile.