Utiliser sa langue comme… ceinture de sécurité!

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (16 février 2022)

L’air de février reste vif dans les sentiers, malgré le redoux des derniers jours. Un ricanement étrange perce soudain le silence de la prucheraie. Ce cri ressemble à celui du Pic flamboyant, en plus sonore. Mais cet oiseau ne revient du sud qu’à la mi-avril, exceptionnellement à la fin mars, en cas d’hiver doux. 

Un vol ondoyant fait vibrer l’air environnant et un Grand Pic vient explorer une souche près du sol. C’est le plus grand des pic-bois, presque la taille d’une corneille! Une forte crête vermeille contraste avec la livrée noire, rayée de blanc par endroits: au-dessus de l’œil, sous le menton et en une bande reliant la joue à l’épaule. Le bec fort est aussi long que le reste de la tête, et son tambourinage sourd résonne dans la forêt. À l’envol, l’oiseau découvre sous chaque aile une surface immaculée, contrastant avec le corps sombre.

Le Grand Pic fore dans les arbres morts des trous à la forme rectangulaire typique. Leur fréquence près des sentiers atteste de sa présence assidue au CINLB. La langue de l’oiseau sonde les galeries creusées à la recherche de larves et surtout de fourmis charpentières qui composent 60% de sa diète.

Trois fois longue comme le bec, la langue est reliée à une structure qui se divise en deux courroies passant sous le bec et s’enroulant derrière le crâne. – WIKIMEDIA COMMONS

Le Grand Pic a presque la taille d’une Corneille d’Amérique. Sa crête vermeille contraste vivement avec la livrée noire, rayée de blanc par endroits. -WIKIMEDIA COMMONS

Les chercheurs en santé, préoccupés par les commotions cérébrales dans les sports de contact et les accidents de la route, se sont demandés comment ces oiseaux pouvaient y échapper malgré leurs percussions répétées des milliers de fois par jour. On estime que la décélération au contact du bec avec le tronc atteint 1 000 fois la force gravitationnelle (g), alors que 100g suffisent à provoquer une commotion fatale chez l’humain.

Plusieurs facteurs interviennent, dont le principal concerne la petitesse du cerveau de l’oiseau en comparaison avec celui de l’humain. Tout comme le choc d’une souris tombant de haut sur le sol serait moins dramatique que celui du corps humain plus massif! 

Mais un autre facteur inattendu est l’usage qui est fait… de la langue du pic-bois. Trois fois longue comme le bec, elle est reliée à l’os hyoïde, une structure souple qui se divise en deux courroies passant sous le bec, s’enroulant derrière le crâne et s’attachant près des orbites oculaires. Ces sangles absorbent une partie de l’énergie déployée lors du choc, opérant un peu comme… une ceinture de sécurité!