Le canard qui a des dents et qui chante comme une grenouille
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (9 novembre 2022)
Avec la chute brutale de la température au début du mois de novembre, les harles ont refait leur apparition au CINLB. Il en existe trois espèces en Amérique du Nord et elles fréquentent toutes le Lac Boivin. Deux d’entre elles, le Grand Harle et le Harle couronné, arrivent en bandes dès le dégel du lac au début du printemps et elles y reviennent à partir de novembre, avec le rafraichissement de l’eau qui perd alors sa turbidité, facilitant la pêche à vue. Le Harle huppé est pour sa part moins fréquent sur le territoire, et on en aperçoit rarement plus de deux couples à la fois. Ces trois espèces piscivores étaient autrefois appelées «becs-scies» en raison de leur bec fin, long et dentelé, adapté à la capture des poissons poursuivis sous l’eau à la nage.
Le Harle couronné est le plus petit des trois, environ de la taille d’une corneille. Il est surtout le plus coloré, au point qu’il rivalise en splendeur avec le Canard branchu. Les trois espèces de harles arborent une huppe, mais chez le Harle couronné mâle, elle est érectile et peut se déployer en un large éventail blanc bordé de noir. Le dos, la tête et le cou du mâle sont noir, et ses flancs sont roux. La poitrine blanche est marquée d’une barre oblique sur le côté, le bec est sombre et les yeux sont jaunes.

Le Harle couronné mâle arborant sa splendeur. – WIKIMEDIA COMMONS

Le plumage plus discret de la femelle agence diverses teintes de gris et de roux. – WIKIMEDIA COMMONS
La femelle a le dos gris foncé, sa poitrine est gris pâle, tout comme le flanc avant, qui devient progressivement brunâtre vers l’arrière. Elle arbore une crête rousse qu’elle peut elle aussi ouvrir en couronne. Ses yeux sont bruns, son bec est grisâtre sur le dessus et jaune pale en dessous. Chez les deux sexes, les rémiges tertiaires blanches tracent des stries bien nettes sur le bas du dos.
La pariade a lieu en novembre. Plusieurs mâles, rassemblés autour de deux ou trois femelles, rivalisent de sparages. Couronne déployée, ils commencent par hausser et baisser le cou. Ils donnent ensuite quelques coups du front vers l’avant puis cambrent leur tête empanachée vers l’arrière, jusqu’à se toucher le dos. Ils émettent en même temps un son guttural qui ressemble à s’y méprendre au chant de la Grenouille léopard. Un terme populaire anglophone désigne d’ailleurs cette espèce sous le nom de frog-duck. La femelle qui agrée cet hommage répond en haussant et baissant le cou. Le couple plonge alors sous l’eau et revient à la surface avec le mâle sur le dos de la femelle afin de poursuivre l’accouplement.