«Tellement, tellement belle... un envoi du ciel»
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (20 juillet 2022)
Le canot glisse, silencieux, sur la rivière longeant le CINLB. Deux colibris semblent se poursuivre dans l’air lourd et humide, chargé d’odeurs végétales et musquées. Les colibris convergent soudain vers un bouquet lumineux qui semble jaillir, feu et flammes, non loin de la rive, entre les plants d’Asclépiade incarnate et les longues graminées couleur de miel. C’est le Lis du Canada! Le rameur qui connaissait, par ses guides d’identification, cette plante des milieux humides, n’en avait encore jamais vu en pleine nature, et il accoste aussitôt, émerveillé.
Il y a deux plants voisins, de plus d’un mètre de hauteur, chacun chargé d’une douzaine de fleurs, toutes penchées vers le sol comme en un recueillement collectif. Elles ont la forme de trompettes étoilées, dont les trois sépales et les trois pétales, longs d’environ six centimètres chacun, sont si semblables, si indistinguables, que l’on parle alors plutôt de «tépales». Leur surface extérieure a une teinte chaleureuse, rose orangée, et leur intérieur jaune safran est grivelé de taches couleur marron. Aux extrémités des six étamines jaune paille, les anthères chargées de pollen sont orangées, couleur citrouille. Les colibris qui folâtrent allègrement d’une fleur à l’autre en sont les principaux pollinisateurs.

Le Lis du Canada suscite l’émerveillement chez les personnes qui le croisent. Il faut toutefois résister à la tentation de le cueillir, car il a été déclaré «espèce vulnérable à la récolte». – PHOTO SUZANNE LABBÉ

Originaire de l’Est de l’Amérique du Nord, le Lis du Canada croît dans les champs et les boisés éclaircis des milieux humides. Le Colibri à gorge rubis est son principal pollinisateur. – PHOTO ALAIN MOCHON
«Tellement, tellement belle»! Le rameur a la même réaction que tous ceux et celles qui aperçoivent cette fleur pour la première fois, et il se surprend à fredonner la chanson de Desjardins. La splendeur de cette fleur et la tentation de la cueillir ont d’ailleurs amené le MELCC du Québec à désigner cette plante en 2005 comme «espèce vulnérable à la récolte». Ce n’est cependant pas le seul risque auquel elle est confrontée, car elle est allègrement broutée par les Cerfs de Virginie, et elle est menacée aussi par diverses formes d’aménagement – urbain, agricole ou forestier – qui risquent d’en réduire le territoire naturel.
Son mode de reproduction est également problématique, car malgré l’abondance des fleurs générées par chaque plant, un très petit nombre des semences produites est effectivement viable. La plante se propage surtout par ses rhizomes le long desquels se développe chaque année un nouveau bulbe long de 2,5 à 5 centimètres. Mais celui-ci ne produit sa première feuille que l’année suivante, seulement deux à trois feuilles à la deuxième année, et une tige ornée de feuilles disposées tout autour en verticille à la troisième année. Les fleurs n’apparaissent qu’à la quatrième ou à la cinquième année.