Le diablotin à quatre yeux

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

Le papillon Monarque n’est pas le seul parasite de l’Asclépiade commune à tirer profit pour sa protection du latex toxique de cette plante. Quelques autres insectes exploitent également son pouvoir répulsif. Le plus curieux est sans doute le Longicorne de l’asclépiade, un petit Coléoptère au corps allongé, dont la taille varie entre 0,8 et 1,6 centimètres.

Son nom français réfère à la longueur de ses antennes, qui vont des 2/3 aux 3/4 de son corps. Sa livrée rouge vif, ponctuée de noir, et ses antennes aux extrémités recourbées lui donnent l’allure d’un petit diablotin. Cette couleur rutilante joue en fait un rôle d’avertissement pour les prédateurs, un phénomène appelé « aposématisme », dont les racines grecques se traduisent par : «signal de garder ses distances».

Une autre curiosité de cette bestiole est que les antennes s’enracinent au milieu des yeux, les sectionnant en deux parties et dotant l’insecte de quatre yeux fonctionnels, ce qui est fort rare. Son nom scientifique est d’ailleurs Tetraopes Tetrophthalmus, qui souligne doublement cette caractéristique : « tetra » pour quatre, « opes » pour vision (comme dans myope) et « ophthalmus » pour oeil (comme dans ophtalmologie).

Le longicorne est encore plus dépendant de l’Asclépiade que le Monarque, puisqu’il y passe sa vie entière, ne volant généralement que d’un plant à l’autre. Après l’accouplement, la femelle entaille la tige près du sol et y pond ses œufs. Après l’éclosion, les larves migrent vers les racines dont elles se nourriront tout au long de leur transformation et où elles hiberneront. Vers le mois de mai, après sa dernière mue, la larve s’éloigne dans le sol à quelques centimètres de la plante et fabrique son cocon. Environ un mois plus tard, les adultes émergent du sol et passent sur l’asclépiade les quelques semaines qu’il leur reste à vivre, pour s’y nourrir et s’y accoupler.

La livrée rouge vif du Longicorne de l’asclépiade et ses longues antennes aux extrémités recourbées lui donnent l’allure d’un petit diablotin. – WIKIMEDIA COMMONS

Les antennes du longicorne s’enracinent au milieu des yeux, les sectionnant en deux parties et dotant l’insecte de quatre yeux fonctionnels. – WIKIMEDIA COMMONS