«E pur si muove!»
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (26 novembre 2019)
Le 22 juin 1633, alors que Champlain poursuit son douzième séjour en Nouvelle-France, l’astronome italien Galilée est condamné à Rome par le tribunal de l’Inquisition. Pour éviter le bûcher, il doit abjurer sa théorie concernant le mouvement de la terre autour du soleil, une position alors considérée comme hérétique par l’Église. Une légende, largement propagée depuis, prétend qu’il aurait marmonné, dès la sortie du procès : «E pur si muove! – Et pourtant, elle bouge!»
Cette expression vient volontiers à l’esprit lorsqu’on entend parler des myxomycètes (du grec myxa = gélatineux ; et mykes = champignon). Ce sont des Protozoaires, de petits organismes de couleur variable trouvés généralement sur la litière de feuilles ou le bois en décomposition. Ils ont toute l’apparence de petits champignons… Et pourtant, ils bougent! Ils ont un corps déformable et se déplacent à la manière des amibes, une propriété généralement attribuée aux animaux plutôt qu’aux végétaux! Et contrairement aux champignons, ils n’ont pas de mycélium. Au gré de leurs déplacements, ils se nourrissent de bactéries, d’algues et de champignons par «phagocytose», leur membrane extérieure entourant la proie et l’ingérant dans la cellule où elle est digérée. On en dénombre environ un millier d’espèces dans le monde.
Le Lycogale du bois (Lycogala epidendrum) est un myxomycète parfois observé au CINLB. En été, il apparait comme de minuscules lambeaux de chair rose vif sur le bois humide. Ses déplacements erratiques laissent autour de lui un tracé blanchâtre rappelant celui des limaces. En début d’automne, les individus s’agglutinent en petites bulles pour former la fructification. L’organisme se présente alors comme une poignée de petites perles grises entassées dans un écrin de mousse à la surface d’un tronc vermoulu. Il est alors spongieux et une légère pression du doigt en fait sortir un liquide glutineux. Le nom du genre découle de son appellation populaire: «lait de loup» (du grec lycos = loup et gala = lait). Le nom de l’espèce renvoie à son habitat familier (epi = sur; dendron = bois).
À mesure que la saison avance, l’intérieur laiteux se transforme en une masse poudreuse composée d’une myriade de spores minuscules. Puis la surface s’amincit, se dessèche. et le moindre choc provoque la dispersion poussiéreuse des petites cellules reproductives. Ce mode de propagation ressemble beaucoup à celui des vesses-de-loup, comme si le myxomycète réendossait pour cette phase un comportement de champignon.
En été, le Lycogale du bois apparait comme de petits lambeaux de chair rose vif sur le bois humide. Ses déplacements laissent une trace blanchâtre rappelant celle des limaces. – PHOTO MICHEL AUBÉ
En début d’automne, l’organisme se présente comme une poignée de petites perles grises entassées dans un écrin de mousse à la surface d’un tronc vermoulu. – PHOTO MICHEL AUBÉ