Entre crabe et caméléon, l'araignée des fleurs
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (28 juin 2017)
Plusieurs personnes perçoivent les araignées comme des bestioles sombres et ternes. Or, plusieurs espèces affichent des coloris marbrés et chatoyants. L’une des plus attrayantes au Québec est peut-être Misumena vatia, au nom poétique qui évoque une créature noble et mystérieuse.
Elle appartient à la famille des Thomisidés, appelées aussi «araignées-crabes», en raison de leur silhouette arrondie, flanquée de pattes en forme de faucilles et de leurs déplacements latéraux, à la manière des crabes. La robe de Misumena vatia varie entre deux couleurs différentes : jaune serin ou blanc immaculé. Elle peut passer d’une teinte à l’autre, selon le massif floral où elle s’embusque. La couleur jaune provient d’un pigment liquide sécrété par ses cellules externes. Lorsque l’araignée est sur fond blanc, ce pigment est transporté dans les cellules profondes. Contrairement au caméléon, ce changement est relativement lent et peut prendre plusieurs heures. La plupart des spécimens portent également sur chaque flanc une bande irrégulière de couleur bourgogne à rose pâle.
Le corps jaune vif et les barres rougeâtres sur les flancs permettent d’identifier aisément cette espèce. – WIKIMEDIA COMMONS
Misumena vatia peut aussi prendre une coloration blanche pour favoriser sa dissimulation. Les marques rougeâtres sur les flancs restent toutefois présentes. Les pattes avant ouvertes à l’attaque évoquent certaines parades d’arts martiaux. – WIKIMEDIA COMMONS
Comme toutes les araignées, Misumena vatia possède des glandes productrices de soie, mais cette espèce ne construit pas de toile pour capturer ses proies. Sa coloration lumineuse lui permet plutôt de s’embusquer sur les fleurs où elle attend patiemment guêpes, abeilles ou autres insectes butineurs. C’est de là que lui vient son nom anglais de « Flower spider »: l’araignée des fleurs. Elle affectionne les fleurs jaunes ou blanches qui favorisent sa dissimulation, mais elle peut aussi se tapir sur des fleurs de coloration différente, en se tenant près du cœur jaune ou des étamines bariolées de rouge.
Bien qu’elle soit commune, elle n’est pas fréquemment observée, tant en raison de l’efficacité de son camouflage, que de sa petite taille et de sa patiente immobilité. Elle ne s’enfuit pas précipitamment si on l’approche, contrairement à d’autres espèces araignées, et chacun de ses mouvements semble chorégraphié. Lorsqu’une proie, parfois plus grosse qu’elle, se pose à proximité, l’araignée déploie très lentement ses pattes avant, comme dans une parade d’art martial. Puis, elle les rabat vivement sur l’insecte et lui injecte son puissant venin, se laissant parfois choir et balancer au bout de son fil, en attendant la paralysie de sa proie.