Guêpe, demoiselle… ou amazone?

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

Une bestiole ailée, au long corps mince, noir et luisant, frôle votre tête. Sa silhouette rappelle aussitôt celle des libellules ou des demoiselles, mais son vol est plus saccadé et nettement moins souple que chez ces virtuoses aériennes. En outre, en y regardant de près, la tête et le thorax présentent plutôt l’aspect d’une guêpe. C’est le Pélécinide (Pelecinus polyturator), une curieuse espèce observée parfois au CINLB durant le mois d’août. Seule représentante du genre Pelecinus au Canada et aux États-Unis, elle appartient à l’ordre des Hyménoptères, qui comprend aussi les abeilles, les guêpes, les bourdons et les fourmis.

Contrairement à plusieurs des espèces de cet ordre, le Pélécinide n’a pas d’organisation sociale, il vit plutôt en solitaire, et son abdomen ne dispose pas de dard. Son mode de reproduction est également fort différent. Les individus observés au Canada et aux États-Unis sont presque tous femelles, les mâles n’y comptant que pour 4% des spécimens trouvés, alors que dans l’aire méridionale de l’espèce, du Mexique à l’Argentine, ils atteignent une proportion de 36%.

La morphologie du mâle est d’ailleurs fort différente, avec un abdomen long de 2,5 centimètres, en forme de massue. Chez la femelle, au contraire, celui-ci est mince et allongé, atteignant généralement cinq centimètres. Il s’agit de l’ovipositeur, l’organe de la ponte qui sert à distribuer les œufs. La femelle Pélécinide l’utilise pour sonder le sol en profondeur à la recherche des larves de diverses espèces de hannetons. 

Chez la femelle Pélécinide, l’abdomen est mince et allongé, atteignant cinq centimètres. Il s’agit de l’ovipositeur, l’organe de la ponte qui sert à distribuer les œufs. – PHOTO JEAN BRODEUR

Dans chacune des proies repérées, elle dépose un œuf. Après l’éclosion, la jeune larve va se nourrir du ver blanc et le parasiter jusqu’à ce qu’il en meure. Elle va ensuite effectuer ses métamorphoses vers la forme adulte qui sortira finalement du sol.

Au Québec, et plus généralement dans son aire boréale, l’espèce se reproduit par «parthénogénèse thélytoque» (du grec: parthenos, «vierge», thelys, «femelle» et tokos, «naissance»), un mode de reproduction qui ne nécessite pas la fécondation par un mâle, et qui donne une descendance composée uniquement de femelles. Par contre, dans l’aire méridionale de l’espèce, où le ratio entre les sexes est moins débalancé, la reproduction serait bisexuée.