Au concert des jelly beans, c’est le rose qui domine!

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

L’automne s’installe peu à peu, mais les dernières soirées douces raniment la nostalgie de l’été. L’air tiède est traversé du chant des cigales et des grillons, dont le concert scande les murmures de la nuit. Dans un trou de silence, un étrange bruissement métallique retentit, une espèce de «brrrexit», repris çà et là en écho.

C’est la Scuddérie à ailes oblongues, de l’ordre des Orthoptères, qui comprend aussi les sauterelles, les criquets et les grillons. Malgré une taille de quatre à cinq centimètres, elle est plus souvent entendue qu’observée. Sa couleur verte et la surface de ses ailes, traversées de nervures imitant celles des végétaux, la dissimulent parfaitement parmi les plantes, où elle avance à petits pas saccadés, comme bercée au gré du vent.

Bien qu’elle soit presque toujours rencontrée dans sa livrée verte, l’espèce existe en une large diversité de couleurs vives: rose surtout, mais aussi orange, jaune, beige, avec plusieurs intermédiaires entre celles-ci. On dirait un assortiment de bonbons, tels des jelly beans ou des smarties! Les chercheurs ont d’abord pensé à des variations selon la période de croissance ou selon les régions. Mais l’idée de mutation génétique s’est rapidement imposée.

Un gène, l’unité de base de l’hérédité, se présente selon plusieurs variations (ou caractères), généralement deux, comme pour les yeux bleus ou marrons chez les humains. Chaque individu porte une combinaison particulière de ces caractères : marron-marron, marron-bleu ou bleu-bleu. Chaque partenaire ne transmet que l’un des deux caractères à un descendant, qui reçoit le deuxième de l’autre parent. Un seul des caractères hérités deviendra apparent chez ce descendant (par exemple le marron prime sur le bleu). Le caractère qui s’exprime est dit «dominant» et l’autre, «récessif».

En raison de la fréquence des spécimens verts, les entomologistes ont d’abord cru que ce caractère était dominant chez les scuddéries. Mais, au début des années 2010, des chercheurs de l’Audubon Butterfly Garden and Insectarium, à La Nouvelle-Orléans, ont pu établir, au contraire, que le caractère rose prédominait. Ils ont croisé, de façon contrôlée et sur plusieurs années, des spécimens de couleur rose et de couleur verte. Les descendants roses étaient plus fréquents et, pour n’obtenir que des insectes verts, il fallait absolument que les deux parents le soient aussi. L’observation plus fréquente de spécimens verts proviendrait du fait que leur camouflage les protège mieux des prédateurs, alors que les spécimens aux coloration plus vives en sont plus fréquemment victimes.

– PHOTO MARIE-CHANTAL LANDRY 

– PHOTO JEFF WHITLOCK

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