Un oiseau qui allaite ses petits
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (19 avril 2017)
La production de lait et l’allaitement des petits sont généralement considérés comme la caractéristique première des mammifères, un mot qui signifie d’ailleurs « porteur de glandes mammaires ». Or, la Tourterelle triste, visiteuse familière à nos mangeoires, est également dotée de cette capacité étonnante.
Étrangement, la Tourterelle triste allaite aussi ses petits d’un lait produit par son organisme. – WIKIMEDIA COMMONS
C’est aussi le cas des autres membres de la famille des colombidés, comme les pigeons ou les colombes, mais aussi d’autres espèces, comme les flamants et les manchots. Le lait ainsi produit est appelé «lait de jabot», car il est fabriqué dans le jabot, un renflement de l’œsophage des oiseaux où sont accumulées les réserves de nourriture avant de passer dans le gésier. Chez les colombidés, durant l’incubation, les cellules qui tapissent l’intérieur du jabot se transforment sous l’effet d’une hormone, la prolactine, et composent un mélange plus épais que le lait des mammifères, qui a la consistance du fromage.
Il est intéressant de constater que la lactation des mammifères est également contrôlée par la prolactine. Le lait de jabot est composé d’environ 60 % de protéines et de 40 % de lipides (graisses), mais contrairement au lait des mammifères, il ne contient pas de glucides (sucres).
Les tourterelles tristes sont monogames et les deux parents s’occupent de la nichée. Le mâle assure généralement l’incubation durant le jour et la femelle durant la nuit. Fait intéressant, la lactation se produit aussi bien chez le mâle que chez la femelle et elle s’amorce environ au milieu de la période d’incubation, qui dure deux semaines. Trois ou quatre jours avant l’éclosion, les parents cessent de s’alimenter pour ne pas contaminer de graines le lait produit. Ils régurgitent celui-ci aux tourtereaux qui vont le recueillir au fond de la gorge des parents.
Le lait de jabot est tellement nutritif que les petits doublent leur poids dans les deux premiers jours. Cet apport est essentiel à leur croissance. La taille de la nichée, limitée à deux oisillons, correspond ainsi à la capacité des deux parents de produire suffisamment de lait. À la fin de la première semaine, les parents commencent à incorporer des graines au lait dispensé et, peu à peu, les petits apprennent à se nourrir comme les adultes.