Un squatter «mafieux» et vengeur
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (22 mars 2017)
Sur environ 10 000 espèces d’oiseaux, une centaine pratique le «parasitisme de couvée». Ces espèces ne construisent pas de nid et n’élèvent pas elles-mêmes leurs petits. Elles pondent dans le nid d’autres oiseaux ayant une alimentation comparable et laissent ces parents adoptifs nourrir à leur insu une progéniture étrangère.
Le Vacher à tête brune est la seule espèce au Canada qui pratique ce parasitisme. Appartenant à la famille des Ictéridés, qui regroupe aussi les carouges, les quiscales et les orioles, l’espèce tire son nom de son habitude de suivre les troupeaux en pâturage. Ceux-ci délogent une multitude d’insectes dans leurs déplacements, une aubaine pour le Vacher à tête brune qui n’a pas à les chasser lui-même. Les chercheurs estiment que l’espèce existe depuis environ un million d’années. Aujourd’hui, elle suit les troupeaux d’élevage, mais il y a deux siècles, elle accompagnait les bisons, et il y a quelques dizaines de millénaires, elle était sur la piste des mammouths.
Un peu plus grosse qu’un bruant, la femelle arbore un plumage de couleur uniforme beige. – WIKIMEDIA COMMONS
Un peu plus petit que le Carouge à épaulettes, avec lequel il se tient parfois, le Vacher à tête brune a un plumage noir de jais, et une tête de couleur brun chocolat. – WIKIMEDIA COMMONS
Le Vacher à tête brune est abondant au CINLB, où il revient du Sud vers la mi-Mars. La femelle pond une quarantaine d’œufs par saison. Elle n’en dépose qu’un par nid parasité, en enlevant au préalable un œuf de l’espèce hôte. La ponte est exécutée rapidement, en 40 secondes seulement, contre 20 à 60 minutes chez les autres espèces. L’incubation, complétée en 11 jours, est beaucoup plus rapide que pour les autres œufs du nid. L’intrus accapare ainsi toute l’attention des parents adoptifs et profite plus rapidement que le reste de la progéniture, qui généralement dépérit.
Les parents adoptifs arrivent parfois à repérer l’œuf étranger et à l’extirper du nid. Les chercheurs ont observé chez le Vacher un curieux comportement de réaction à cet égard. Lorsque la femelle remarque que son œuf a été rejeté, elle détruit presque toujours le nid, comme si elle punissait l’hôte de son attitude, un comportement de vengeance qui a été qualifié métaphoriquement de «mafieux». En réalité, cela oblige la victime à reconstruire un second nid, qui sera parasité à nouveau. Mais comme la saison de reproduction avance, l’hôte ne risquera pas une autre destruction en extirpant le nouvel intrus.