L'immigrant d'Amazonie... qui désarme les guêpes!
Par Michel Aubé, passionné de diversité (20 mai 2023)
L’observateur s’est immobilisé, croyant reconnaitre un chant, très semblable à la turlute du Merle d’Amérique, mais en plus rauque, comme si l’oiseau était enroué. Le flash vermeil qui l’éblouit, à moins de cinq mètres, confirme son impression. Un Piranga écarlate déguste sur une branche une libellule attrapée en vol. Il arbore les couleurs flamboyantes des oiseaux exotiques, puisqu’il en est un et qu’il arrive d’Amazonie, ayant hiverné quelque part entre la Colombie, l’Équateur et le Pérou. Sa taille est d’environ 18 centimètres, comparable à celle de l’Oriole de Baltimore ou du Carouge à épaulettes.
Les ailes et la queue sont noir de jais, et le reste du plumage, rouge écarlate, se démarque intensément sur le vert du feuillage, dont cette couleur complémentaire accentue le contraste. La femelle et le mâle immature ont un plumage olivâtre, avec les ailes et la queue gris foncé. Le nom scientifique, Piranga olivacea, évoque d’ailleurs les couleurs différentes des deux partenaires. Le terme piranga provient d’un mot signifiant «rouge» en langue Tupi, celle d’un groupe ethnique répandu en Amazonie à l’ère précoloniale. Le qualificatif latin de l’espèce, olivacea, signifie «olivâtre», et caractérise plutôt la livrée de la femelle. En parade nuptiale, le prétendant sautille de branches en branches sous le regard de sa dulcinée, en faisant frémir sa queue en éventail, avec les ailes entrouvertes pour exposer le plus de rouge possible.
Malgré sa couleur rutilante, le Piranga écarlate n’est pas souvent aperçu, car il recherche les forêts matures et préfère des boisés d’au moins un kilomètre carré. Il se tient dans la haute futaie où il chasse allègrement les insectes et araignées de toutes sortes. Lorsque la capture est une guêpe, une abeille ou un bourdon, l’oiseau a pour habitude de la frotter contre une branche, pour en neutraliser, semble-t-il, le dard avant l’ingestion. Le même comportement a été observé chez diverses espèces de pirangas. L’observateur aguerri repère généralement l’oiseau au chant, puis il recherche aux jumelles le flash rouge au travers du feuillage.
Le couple est monogame pour la durée de la saison de reproduction. Le nid est construit par la femelle sur une branche horizontale à bonne distance du tronc, à une hauteur de six à dix mètres du sol. La ponte comprend de quatre à cinq œufs, de couleur turquoise, couvés pendant quinze jours. Après l’éclosion, les petits sont nourris par les deux parents pour une durée d’environ deux semaines. De petites baies complètent à l’occasion le menu d’insectes.
Le mâle éblouit par la splendeur de sa livrée écarlate, fortement contrastée sur le feuillage vert tendre. – PHOTO BMAJOROS
La coloration olivâtre du plumage de la femelle la dissimule bien au travers de la canopée. – PHOTO FELIX URIBE