Ça fait quand même un peu gros pour un mulot!

L’ombre glisse silencieusement à la surface du marécage, traçant un court sillage aussitôt dissipé. Le naturaliste sur la rive écrase une branche sèche et, au bruit soudain, la chose s’immerge brusquement, sans toutefois produire le plouf ostentatoire du castor. L’homme a pu apercevoir une queue sinueuse au moment du plongeon. L’animal a continué de nager vers lui sous l’eau, puis il a disparu dans la berge, laissant au passage un nuage boueux troublant l’eau claire.

Le Rat musqué est un rongeur, comme le Castor du Canada ou le Rat surmulot, mais il ne leur est pas très apparenté, même s’il partage les mœurs aquatiques du premier et certains habitats du deuxième. En réalité, il fait plutôt partie de la sous-famille des lemmings et des campagnols (appelés familièrement mulots), même s’il en est de loin le membre le plus volumineux, avec une masse vingt-cinq fois supérieure à celle de ses cousins les plus rapprochés!

Originaire de l’Amérique du Nord depuis au moins quatre millions d’années, il en a largement colonisé les marécages et les plans d’eau calmes, sauf en Arctique et… en Floride, où certains chercheurs pensent qu’une intense prédation des alligators pourraient y avoir contribué! De mœurs surtout nocturnes, il est actif à l’année, même en hiver alors qu’il fouille la boue non congelée sous la glace à la recherche des racines de quenouilles qu’il affectionne particulièrement.

Il construit préférablement son terrier dans les berges abruptes, avec une entrée sous l’eau d’un diamètre de 15 à 20 centimètres. Lorsque les pentes des rives sont trop douces, il fabrique plutôt une hutte en entassant dans un endroit choisi du marécage des végétaux aquatiques qu’il consolide avec de la boue. Il va ensuite y creuser un trou en passant sous l’eau afin d’y aménager une chambre intérieure au sec. Cette hutte n’est pas composée de branches comme chez le castor, et elle est surtout moins volumineuse, dépassant rarement un mètre de haut ou de diamètre.

Le Rat musqué a généralement deux portées par année, comprenant de cinq à dix petits. Les deux glandes à musc situées sous la queue près de l’anus, chez la femelle comme chez le mâle, secrètent un liquide jaunâtre servant d’abord à signaler la disponibilité sexuelle, et par la suite à marquer le territoire. Les accouplements ont généralement lieu en avril et en août. La gestation dure une trentaine de jours tout comme la période de sevrage qui s’ensuit.