L’insecte qui met la température en musique
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (24 août 2016)
Par les douces soirées d’août, l’air est envahi d’un concert de stridulations qui modulent les bruissements de la nuit. Ce sont les insectes chanteurs, plus d’une cinquantaine d’espèces dans le sud du Québec, qui, de la mi-juillet à la mi-septembre, échangent dans l’air chaud leurs sérénades nuptiales.
Certaines d’entre elles, comme les grillons, les sauterelles ou les cigales, sont très familières. D’autres, comme les oécanthes, sont plus difficiles à apercevoir, car leur petite taille et leur livrée vert tendre les dissimulent dans les fourrés des jardins et des haies. Le métabolisme de ces musicales bestioles est affecté par la température de l’air, à tel point que leurs joyeux trilles sont rigoureusement calibrés sur celle-ci.
L’Oécanthe thermomètre, que l’on peut entendre par centaines le long de la digue du Lac Boivin, présente une telle régularité dans son chant que celui-ci peut servir à calculer la température ambiante. Il suffit de compter le nombre de pulsations émises en sept secondes, et d’y ajouter cinq pour obtenir, à un degré près, la valeur en degrés Celsius.
Seuls les mâles chantent, et ils se synchronisent les uns sur les autres, ce qui accentue la régularité et le volume de leur chant. Celui-ci est produit par la friction des ailes antérieures, dressées verticalement et frottées l’une contre l’autre comme par un archet. La texture fine et vibrante des ailes sert de caisse de résonance. Conviées à ce concert, les femelles s’y choisissent un mâle et grimpent sur son dos.
Par le rythme de son chant, calibré sur la température, l’Oécanthe thermomètre met celle-ci en musique. – PHOTO MICHEL AUBÉ
Une agréable surprise les y attend, car les ailes ainsi soulevées révèlent, au milieu du thorax du mâle, la glande métanotale dont les sécrétions semblent irrésistibles. Dès que la femelle semble réceptive, le mâle transfère sa semence dans une espèce de sac, le spermatophore, dont l’extrémité tubulaire est insérée dans l’abdomen de la femelle.
La friandise offerte à celle-ci permet d’occuper son attention suffisamment longtemps pour que la majorité du sperme passe dans son corps, une distraction essentielle, car l’enveloppe du spermatophore sera dévorée par la femelle aussitôt la copulation terminée. Cette substance très nutritive lui offrira de précieuses ressources pour soutenir ses efforts reproductifs.