Le télémètre magnétique du chasseur roux
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (3 mars 2021)
Le jour se lève sur le lac enneigé. La neige est légère, mais aucune brise ne la soulève. Soudain un mouvement attire l’attention. Un Renard roux avance entre les tiges desséchées des quenouilles, puis s’arrête et tend l’oreille. Sa fourrure flamboie aux premiers rayons du soleil. Aux jumelles, on voit qu’il oscille la tête et que ses oreilles s’orientent vers l’avant et le côté. Encore un pas et il s’accroupit, les yeux fixant le sol. Soudain il bondit, presque deux mètres de haut, rejoint ses pattes avant et arrière tel un plongeur olympique, puis redresse le corps pour retomber et s’enfouir sous la neige jusqu’à mi-corps! Après quelques soubresauts, il ressort et secoue la tête… un petit rongeur entre les mâchoires!
Le Renard roux est de la famille des Canidae, comme les coyotes et les loups. Il n’appartient pas au genre Canis, mais au genre Vulpes, qui regroupe une douzaine d’espèces réparties à travers le monde. Les renards ont la particularité d’avoir une pupille verticale ovale, comme les chats, dont ils partagent quelques caractéristiques: leurs canines et leurs vibrisses (moustaches) sont développées, leurs griffes sont partiellement rétractiles, ils grimpent parfois aux arbres, attrapent des proies semblables (rongeurs et oiseaux) et jouent à l’occasion avec celles-ci. Finalement leurs petits ont plus l’apparence de chatons que de chiots.
Les renards ont une ouïe très fine pour repérer leurs proies, mais les chercheurs se sont demandés comment ils pouvaient atteindre avec une telle précision un rongeur tapi à plusieurs centimètres sous la neige. Ils ont d’abord observé que le taux de succès était surtout élevé (73%) quand l’animal s’orientait vers le nord. Ils ont alors soupçonné une détection magnétique et ils ont pu vérifier que plusieurs canidés disposaient de «cryptochromes» dans les cellules de leurs rétines. Ces protéines sensibles au champ magnétique terrestre rendent celui-ci directement perceptible dans le champ visuel, et leur fonctionnement était déjà reconnu dans la migration de certains oiseaux.
L’hypothèse des chercheurs est que les renards exploitent cette information comme un télémètre, pour évaluer la distance à leur cible. À une latitude donnée, les lignes du champ magnétique rencontrent le sol avec un angle constant, qui serait perçu comme une tache localisée à un endroit précis sur la rétine. En faisant coïncider ce point avec celui d’où provient le bruit perçu, le renard peut se placer à une distance fixe de la cible et planifier avec précision son plongeon!
Les renards ont la particularité d’avoir une pupille verticale ovale, comme les chats, dont ils partagent quelques caractéristiques: leurs canines et leurs vibrisses sont développées, ils grimpent parfois aux arbres, ils attrapent des proies semblables et leurs petits ont plus l’apparence de chatons que de chiots. – WIKIMEDIA COMMONS
Grâce à la coordination de leur ouïe et de protéines dans les cellules de leur rétine sensibles au champ magnétique, les renards semblent capables de localiser avec précision un petit rongeur tapi à plusieurs centimètres sous la neige. – WIKIMEDIA COMMONS