Un prince de la table... comparable au cousin de Bordeaux !

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (13 octobre 2021)

L’automne bat son plein et les feuilles s’accumulent sur le tapis mousseux du sous-bois. Au bord d’un sentier herbeux, à l’orée d’une forêt mixte d’épinettes, de hêtres et de bouleaux, quelques champignons se fraient un chemin au travers du parterre de sphaignes. La couleur de leur chapeau rosé tire un peu vers le brun. Les plus gros atteignent vingt centimètres de diamètre et leurs pieds cylindriques sont traversés de fines réticulations blanchâtres qui se détachent sur fond de crème. Les plus jeunes, avec le dessus bombé et le pied bulbeux, ont l’air de petits bouchons de champagne.

Ce sont des cèpes d’Amérique, les plus succulents des champignons qui poussent dans nos bois. Ils font partie des bolets, dont plusieurs constituent des mets de choix. Mais pour les anglophones, celui-ci est le king bolete, le plat princier qui surpasse tous les autres. Il est apparenté au cèpe de Bordeaux, dont la réputation gastronomique est solidement établie. La ressemblance, tant dans l’apparence que dans le goût, a d’ailleurs longtemps fait penser qu’il s’agissait d’une sous-espèce. Mais les analyses d’ADN ont permis de l’établir comme espèce en propre, au curieux nom de Boletus chippewaensis, le bolet du Chippewa. En fait, ce mot est la déformation anglophone du peuple Ojibwa (qui est plus apparente à l’oreille si on omet le « O »). Les Ojibwés constituent le troisième groupe autochtone le plus important aux États-Unis. Ils forment avec les Algonquins et les Outaouais la nation des Anichinabés. Une partie de leur population occupait les régions avoisinant les Grands Lacs et l’État du Michigan. Le champignon est d’ailleurs parfois appelé le bolet du Michigan.

Le Cèpe d’Amérique est le plus succulent des champignons qui poussent dans nos bois. Il est apparenté au cèpe de Bordeaux, dont la réputation gastronomique est solidement établie, et on a longtemps pensé qu’il en était une sous-espèce. – PHOTO RÉJEAN PERREAULT

Le Cèpe d’Amérique ne se conserve pas très longtemps au réfrigérateur et il est donc idéal de le cuisiner le plus rapidement possible. De nombreuses recettes permettent d’en exploiter les saveurs noisetées, tant pour les viandes (rôti de veau ou de porc) que pour les omelettes ou les quiches (aux fines herbes, assorties de gruyère et de lardons). Il existe même une recette de tartare de pied de cèpe! Dans la plupart des préparations, le champignon est sauté dans l’huile d’olive accompagnée d’une noix de beurre. Et pour le vin, quoi de mieux qu’un Bordeaux 2016, légèrement corsé… en hommage au goûteux cousin de France!