Plumes et dentelle... contre le ver solitaire

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (19 janvier 2022)

L’hiver s’est installé en force. La neige recouvre le paysage d’un suaire blanc que seuls colorent le jaune blême des phragmites et le vert sombre des conifères. La Nature semble tout entière recroquevillée sous le froid polaire. Et pourtant… Çà et là, le long des sentiers, de petites touffes de verdure percent hardiment la croute de neige. Quelques tiges ont été cassées par endroit sous l’effet du gel et du vent, mais le vert du feuillage n’a rien concédé à la froidure.  Ce sont des Dryoptères intermédiaires, de petites fougères à feuilles persistantes répandues dans l’est de l’Amérique du Nord. La dénomination anglophone, evergreen wood fern, souligne la persistance de leur feuillage et leur habitat forestier. Il existe environ 150 espèces de dryoptères dans le monde, et probablement plus d’une dizaine au Québec. 

Un critère important pour l’identification des fougères est le nombre de «divisions» de leur feuillage. Ainsi les rameaux qui se répartissent de chaque côté de la tige centrale (ou «rachis») constituent une première division, appelée «penne». Chaque penne peut à son tour être divisée en «pinnules», et chaque pinnule peut présenter un troisième niveau de division, les «pinnulettes». Les dryoptères présentent les trois niveaux de divisions, ce qui leur donne cette apparence de dentelle duveteuse.

Un critère important pour l’identification des fougères est le nombre de «divisions» de leur feuillage. – WIKIMEDIA COMMONS

Çà et là, le long des sentiers, de petites touffes de verdure percent la croute de neige. Quelques tiges ont été cassées sous l’effet du gel et du vent, mais le vert du feuillage n’a rien concédé à la froidure. Ces plantes sont des Dryoptères intermédiaires, de petites fougères à feuilles persistantes qui sont répandues dans l’est de l’Amérique du Nord. – PHOTO MICHEL AUBÉ

Le nom du genre provient du grec (dryos = «chêne»; pteron = «aile» ou «plume»… et par extension, «fougère»). Les naturalistes de l’Antiquité avaient nommé ces plantes ainsi parce qu’elles avaient été observées dans des forêts de chêne, et que la forme de leur feuillage évoquait celle des ailes. Le terme «penne», la première division du feuillage, désigne d’ailleurs en ornithologie les grandes plumes des ailes et de la queue d’un oiseau. Les dryoptères ne se retrouvent cependant pas uniquement dans les forêts de chênes, et colonisent aisément les forêts mixtes et conifériennes.

La plupart des dryoptères contiennent de la «filicine», un composé chimique fortement toxique pour les invertébrés. Ces fougères était d’ailleurs consommées dès l’Antiquité comme vermifuge contre divers parasites intestinaux, en particulier le Tænia (ver solitaire), et de nos jours, divers produits pharmaceutiques en sont tirés. La consommation directe de la plante n’est toutefois pas recommandée, car elle peut entrainer des effets secondaires désagréables aux plans digestif (vomissements, diarrhées) et neurologique (vertiges, problèmes visuels). Un dosage excessif pourrait même entrainer une cécité temporaire… et parfois la mort!