L'ombre perfide... du meurtrier
Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (22 décembre 2021)
Grand habitué du CINLB, le petit Écureuil roux, semble espiègle et social, recherchant volontiers la compagnie des visiteurs. C’est pourtant un animal solitaire et agressif, rarement vu en présence de ses congénères, qu’il chasse vigoureusement de son territoire. Il ne les tolère en fait qu’à la période des amours. Mais celle-ci est rare et courte… car la femelle n’entre en chaleurs (œstrus) qu’une journée par année! Elle n’hésite pas alors à quitter ses retranchements pour solliciter les mâles, et peut s’accoupler avec plusieurs d’entre eux. Après une gestation d’environ 35 jours, elle donnera naissance à une portée de trois à cinq petits, qu’elle élèvera seule. L’Écureuil roux affectionne particulièrement les cônes d’épinette blanche, mais consomme également plusieurs espèces de champignons, de graines et de petits fruits. Contrairement à l’Écureuil gris qui disperse ses caches de nourriture, le petit roux les enfouit au même endroit à l’automne dans une immense réserve localisée sur son territoire, d’où il peut récupérer ses provisions en hiver jusqu’à quatre mètres sous la neige.
Le mot «écureuil» provient du vieux français escurel, dérivé du latin sciurus, lui-même emprunté au grec: skia = queue et oura = ombre. L’expression signifie littéralement: «la queue qui fait de l’ombre»! Le nom anglais squirrel évoque également les origines antiques du terme. La jolie queue touffue de ces petits rongeurs frappe l’imaginaire humain depuis des temps immémoriaux et continue d’émerveiller les enfants, qui trouvent ce petit animal en apparence si doux. Et pourtant… En 2014, des chercheurs canadiens ont découvert que des mâles de cette espèce massacrent parfois entièrement la progéniture d’une femelle. Cela se produit en période d’abondance alimentaire, lorsque les épinettes blanches ont une surproduction de cônes, garantissant une pitance bienvenue à la petite famille. Une fois sa progéniture perdue, la femelle cesse aussitôt d’être en lactation et entre à nouveau en œstrus, offrant au mâle meurtrier, exceptionnellement, pour une deuxième fois dans l’année, l’opportunité de transmettre ses propres gènes.
Ce petit animal en apparence si doux est pourtant d’un naturel agressif, faisant même fuir les écureuils gris bien plus gros. Et il lui arrive aussi d’exterminer entièrement la progéniture d’une femelle avec laquelle il cherche à s’accoupler. – WIKIMEDIA COMMONS
Ce comportement infanticide qui nous apparait si cruel est pourtant connu depuis longtemps chez les lions. Les biologistes ont même recensé, chez les mammifères, plus d’une centaine d’espèces pratiquant cette stratégie reproductive, un phénomène surtout observé chez les primates, les carnivores et les rongeurs.