Confection d’appâts pour la pêche

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

Ce pêcheur est expérimenté et patient. Il a rassemblé quelques ingrédients pour fabriquer ses appâts. Hier, quelques bribes de plastique coloré; aujourd’hui, des fragments de plumes, auxquels il ajoutera peut-être quelques insectes. Dès que son leurre est prêt, il l’envoie flotter à la surface, surveillant la moindre vibration à fleur d’eau. Puis il le retire, le relance… Soudain, d’un mouvement énergique, il épingle sa proie et la retire de l’eau, toute frémissante! 

Ce pêcheur n’est pas un humain, mais… un oiseau! Son geste vif n’origine pas du poignet ou du bras, mais de son long cou lancé comme une flèche. Le Héron vert, un habitué des berges du Lac Boivin, revient de son aire d’hivernage vers la fin avril. C’est l’un des plus petits membres de la famille des Ardéidae (hérons, aigrettes, butors…). Long de 45 centimètres, il a approximativement la taille d’une corneille. Sa calotte est noire, son dos foncé gris bleu et son cou, d’une couleur entre marron et bourgogne, strié verticalement de deux ou trois bandes blanches.

Son nom provient de ses ailes aux reflets d’émeraude, et aux plumes découpées en forme d’écailles. Son cri est une sorte de «kyawk», brusque et rauque, qu’il lâche parfois en vol. Souvent observé à l’affût sur de vieilles souches émergentes, cet oiseau présente généralement une allure trapue. Mais lorsqu’il déploie son attaque, la longueur du cou couplée à celle du bec est plus grande que le reste du corps!

Seulement une douzaine d’espèces d’oiseaux au monde pêchent ainsi à l’appât, dont sept appartiennent à la famille des Ardéidae. Un tel comportement démontre une capacité au moins rudimentaire dans la fabrication d’outils. Cet oiseau est observé essentiellement sur le continent américain, mais une espèce voisine, le Héron strié, dont plusieurs ornithologues ont proposé le rattachement à la même espèce, est retrouvé en Asie et en Océanie.

Le comportement de pêche «instrumentée» est identique chez l’espèce orientale. La variété des leurres utilisés comprend des insectes, des plumes, des morceaux de pain, des brindilles, des feuilles, des fruits, de petits objets flottants, des fragments de plastique… Les chercheurs pensent qu’il y a une forte composante d’apprentissage derrière cette habileté, car les adultes sont manifestement meilleurs que les juvéniles. Il semble qu’avec l’âge, les jeunes hérons deviennent plus sélectifs dans le choix de leurs appâts, mais plus habiles aussi dans la façon de les retirer, les relancer, et les agiter pour attirer leurs proies.

Le Héron vert est un pêcheur patient. Il appâte ses proies qu’il épingle et retire de l’eau d’un mouvement énergique. – WIKIMEDIA COMMONS

Le nom du Héron vert provient de ses ailes aux reflets d’émeraude, et aux plumes découpées en forme d’écailles. – WIKIMEDIA COMMONS