Gentleman et dandy... aux pieds de la belle des neiges

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité (8 décembre 2021)

L’hiver réclame déjà le territoire. La surface du lac Boivin est presque entièrement gelée et une dentelle de neige duveteuse recouvre la végétation. Les couleurs joyeuses de l’été – fleurs, oiseaux ou papillons – semblent déjà reléguées aux oubliettes. Pourtant, en contraste vif sur l’or des feuilles de quenouilles desséchées, une myriade de petites billes vermeilles sollicite l’attention, semblant défier joyeusement la saison nouvelle qui prétend s’installer.

Ce sont les baies du Houx verticillé, un arbuste indigène hissé au statut de plante ornementale. La générosité de ses grappes de fruits, flamboyantes sur les tiges dénudées de leurs feuilles, réjouissent en effet le regard. Les fleuristes en garnissent d’ailleurs souvent leurs bouquets décoratifs du temps des fêtes.

Cette plante est un proche cousin du Houx commun d’Europe, associé à la fête de Noël en raison de ses fruits colorés et de son feuillage épineux, au vert intense, persistant malgré l’hiver. L’espèce de chez nous perd ses feuilles jaunies à la fin de l’automne, mais garde ses fruits rutilants jusqu’à l’arrivée en mars du Merle d’Amérique, qui s’en fait aussitôt un régal!

C’est un arbuste dioïque, appelé ainsi car les fleurs des deux sexes poussent sur des plants différents. Il faut donc au moins un plant mâle pour assurer la fécondation des fleurs de cinq à sept plants femelles. Les pépiniéristes offrent aux clients différents cultivars mâles, aux noms évocateurs de Southern Gentleman ou Jim Dandy. Les fleurs éclosent en mai, étalant chacune de cinq à neuf pétales blancs, et les petits fruits colorés apparaissent sur les tiges des plants femelles en automne.

En dépit de la froidure qui a déjà fait fuir les fleurs et les oiseaux, une myriade de petites billes vermeilles vient défier joyeusement la saison qui prétend s’installer. – PHOTO MICHEL AUBÉ

Ils contiennent de la théobromine (du grec theos = dieu et broma = nourriture), une molécule trouvée également dans le chocolat, le café, le thé et la noix de kola. En dose «raisonnable», ce sont toutes des substantes excitantes appréciées des humains (d’où l’appellation de «nourriture des dieux»).

Mais d’autres mammifères métabolisent mal cette molécule qui peut s’avérer mortelle chez plusieurs carnivores, dont les chiens et les chats, et chez les petits rongeurs. Les oiseaux par contre assimilent bien les fruits du houx, mais ils les apprécient surtout à la fin de l’hiver, quand ils ont bien gorgés de sucre. Les juncos, les jaseurs et les merles s’affairent alors avidement à razzier cet attrayant garde-manger.