Grande simulatrice et petites clandestines
Par Michel Aubé, passionné de biodiversité (29 novembre 2017)
On appelle «mulettes» un groupe de moules d’eau douce appartenant aux bivalves, une classe de mollusques présentant un coquillage en deux parties symétriques refermées l’une sur l’autre. Il existe environ 1000 espèces de mulettes dans le monde, dont une grande diversité se retrouve en Amérique du Nord. On en compte 21 au Québec et au moins quatre espèces ont été observées sur le territoire du CINLB, en amont du lac Boivin.
L’une d’entre elles, la Lampsile rayée, peut atteindre entre 10 et 12 centimètres. De forme elliptique, elle présente une couleur extérieure verdâtre ou brunâtre, striée de raies sombres. Le principal contact de l’animal avec son milieu se fait par l’intermédiaire de deux siphons qui filtrent constamment l’eau environnante. Une mulette peut filtrer entièrement l’eau d’un aquarium d’une dizaine de litres en une journée seulement.
C’est ainsi qu’elle trouve son alimentation et qu’elle assure sa reproduction. À la fin de l’été, le sperme des mâles déversé dans l’eau est capté par la femelle à travers le liquide qu’elle filtre. La fertilisation des œufs s’effectue dans une région des branchies appelée «marsupium». C’est là que se développent, pendant plusieurs mois, les «glochidies» (embryons) qui prennent la forme de moules minuscules.
Une fois hors du corps de la mère, les glochidies doivent absolument parasiter un poisson-hôte pour achever leur développement. Leur passage de la mulette au poisson se fait de façon spectaculaire. La Lampsile rayée entrouvre ses coquilles et agite un voile de chair qui simule, à s’y méprendre, l’apparence d’un petit méné. Les poissons-hôtes de cette espèce – perchaudes, crapets ou achigans – se précipitent sur cette proie apparente. Lorsque la mulette détecte leur présence, elle expulse dans l’eau un nuage de plusieurs milliers de glochidies, dont quelques-unes arrivent à s’agripper aux branchies des prédateurs.
Seules les femelles gravides (qui portent des embryons) ont ce comportement simulateur. Les glochidies poursuivent pendant quelques mois leur développement sur leur poisson-hôte, comme de petites passagères clandestines. À leur stade juvénile, elles se laissent tomber au fond de l’eau et y entament leur vie autonome.
La Lampsile rayée se présente sous une variété de couleurs entre le vert et le brun. – PHOTOS PHILIPPE BLAIS