Le petit drone qui s’attarde aux splendeurs automnales

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

L’été s’alanguit et empiète sur la fraîcheur de l’automne. Dans les sentiers du CINLB s’entremêlent encore le chant des oiseaux et les stridulations des cigales. Sur la passerelle du marécage, plusieurs libellules circulent entre les passants, tels de petits drones, s’immobilisant parfois au-dessus du plan d’eau avant de se poser sur la balustrade. 

Alors que les espèces d’été paraissaient surtout bleues ou vertes, les plus nombreuses maintenant sont étincelantes comme des rubis. Ce sont des sympétrums, un genre de petites libellules longues de 2,5 à 3,5 centimètres, dont la saison de reproduction débute tardivement.

Leur nom provient du grec (syn: «avec» et petron: «pierre») et réfère à l’habitude qu’elles ont de rechercher la chaleur des pierres exposées au soleil. On en compte 63 espèces dans le monde, dont neuf au Québec. Cinq d’entre elles ont été observées au lac Boivin. L’espèce Sympétrum tardif est, de loin, la plus nombreuse et, comme son nom l’indique, elle s’attardera jusqu’en novembre.

Les entomologistes se sont interrogés sur sa capacité de poursuivre sa parade reproductive en dépit de la froidure. Ils ont découvert diverses adaptations permettant à l’insecte de maintenir une température plus élevée et plus stable que celle de l’air ambiant. Les chercheurs ont ainsi observé que les insectes se posaient sur les pierres en orientant leur corps de façon à maximiser l’exposition de la tête et du thorax au soleil. Par ailleurs, la chaleur requise pour l’activation des muscles du vol est moins élevée que chez les espèces moins tardives. On a enfin constaté que l’espèce avait une digestion plus rapide que les autres de taille équivalente.

Après la fécondation, le couple adopte une position de vol «en tandem», où le mâle maintient la femelle par le cou à l’aide de sa pince anale. Le couple survole ainsi les eaux calmes de l’étang où la femelle, toujours attachée, descend à petits coups déposer ses œufs en trempant légèrement son abdomen dans la végétation aquatique. Plusieurs couples sont souvent ainsi rassemblés, à quelques centimètres les uns des autres. Un comportement qui favoriserait le choix de lieux moins fréquentés par les prédateurs.

Au CINLB, par les douces journées ensoleillées d’octobre, le Sympétrum tardif est souvent aperçu sur la balustrade ou le plancher du sentier «Le Marécage». – WIKIMEDIA COMMONS

Après la fécondation, le couple adopte une position de vol «en tandem», où le mâle maintient la femelle par le cou à l’aide de sa pince anale. – WIKIMEDIA COMMONS