Le poisson qui s'invente un poumon

Par Michel Aubé, passionné de diversité (4 mai 2016)

L’Umbre de vase est un petit poisson dont la longueur varie de cinq à dix centimètres. De couleur brun olive, il a un ventre jaunâtre et des taches brunâtres qui forment des barres verticales sur ses flancs. Sa queue arrondie le distingue facilement de la plupart des autres poissons d’eau douce du Québec, qui ont généralement la queue fourchue. Une barre sombre verticale à la base de la queue, constitue également un caractère distinctif.

Cette petite espèce n’est pas facile à apercevoir, puisqu’avec sa livrée olivâtre et marbrée, elle se confond aisément avec la végétation aquatique. À la moindre alerte, elle s’enfouit, souvent à reculons, dans la vase et les débris organiques au fond de l’eau, telle une véritable «taupe aquatique». Elle ne laisse pas non plus d’indices de présence particuliers, puisque les œufs, pondus par centaines, ne sont pas rassemblés dans un nid, mais distribués individuellement à travers la végétation aquatique à laquelle ils adhèrent.

L’Umbre de vase est un petit poisson de l’ordre des Ésociformes, auquel appartiennent aussi les brochets. – WIKIMEDIA COMMONS. 

La vessie natatoire de l’Umbre de vase est fortement vascularisée, ce qui permet au sang de capter l’oxygène de l’air, ainsi que le font nos poumons. Dans certaines situations critiques, comme lorsque sa mare est asséchée, cette particularité permet au poisson de respirer par la bouche, un peu comme chez les autres vertébrés (Amphibiens, Reptiles, Mammifères ou Oiseaux). – Illustration Michel Aubé

L’Umbre de vase présente des capacités d’adaptations vraiment surprenantes. Il peut supporter des variations extrêmes de température, et certains chercheurs supposent que son sang contient des antigels. Son petit corps vigoureux peut aussi effectuer des bonds hors de l’eau de deux à trois fois sa longueur pour attraper un insecte ou pour atteindre une mare voisine, lorsque la sienne est asséchée.

Le plus remarquable toutefois, c’est la capacité de ce poisson de respirer l’air atmosphérique, grâce à sa vessie natatoire. Celle-ci a la forme d’un sac allongé situé au centre du corps, juste au-dessus de l’estomac. C’est par cet organe que la plupart des poissons arrivent à se maintenir au milieu de l’eau, sans caler ou flotter, en le remplissant ou le vidant d’air, tel le système de ballast utilisé par les sous-marins.

Chez l’Umbre de vase, cette vessie natatoire est fortement vascularisée, un peu comme dans les alvéoles de nos poumons, ce qui permet au sang qui y circule de capter l’oxygène. L’Umbre de vase peut ainsi supporter des périodes de sécheresse en s’enfouissant dans la vase humide et en respirant directement par la bouche, dans l’attente de la prochaine pluie.