Les cure-dents du colosse

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

Lorsqu’il est jeune, sa vêture satinée reluit comme de l’or et se frange en boucles fines. Avec l’âge, son écorce mordorée s’épaissit et devient rugueuse, écailleuse même. Sa taille droite et majestueuse peut atteindre 30 mètres, et le port étalé du feuillage peut s’étendre sur 15 mètres. Le diamètre de son tronc se déploie parfois si largement que cinq hommes, bras ouverts, n’arrivent pas à le ceinturer! À sa pleine maturité, le Bouleau jaune rejoint ainsi la haute futaie de la forêt mixte laurentienne, où il côtoie d’autres géants bicentenaires, tels l’Érable à sucre, le Tilleul d’Amérique, le Pin blanc ou la Pruche du Canada.

Cet arbre colossal croît essentiellement dans l’est de l’Amérique du nord. Son aire de distribution a la forme d’une pointe de flèche, dont l’aileron supérieur va de la région des Grands Lacs jusqu’aux provinces maritimes, en longeant le sud du Lac St-Jean. L’aileron inférieur recouvre approximativement la chaine des Appalaches, autrefois appelées Monts Alléghanys, et d’où lui vient son nom scientifique (Betula alleghaniensis). Toutefois, plus de 50% de son volume en bois se retrouve en terre québécoise! En raison de sa majesté et de sa présence si importante sur le territoire, le Bouleau jaune a été retenu en 1993 comme arbre emblème du Québec. 

Son bois dur, au grain serré, résiste aux fissures et retient bien les vis et les clous. Il est très prisé comme bois de chauffage ainsi qu’en ébénisterie. Ses couleurs chaudes vont de l’ambre jaune au brun rougeâtre, et il a été amplement exploité dans la fabrication de parquets, de bureaux, de portes, d’armoires… et de cercueils.

Lorsqu’il est jeune, la vêture satinée du Bouleau jaune reluit comme de l’or et se frange en boucles fines. – WIKIMEDIA COMMONS

Une utilisation particulière concerne la production… de cure-dents! Ceux-ci existent depuis la préhistoire, mais bien qu’ils aient été fabriqués dans une diversité de matières, ce sont ceux en bois qui restent les plus populaires. Il faut cependant pour cela une matière ferme, claire de préférence, sans l’arôme prononcé des conifères, et surtout qui ne se fissure pas aisément en échardes. Les premières machines automatisant la fabrication des cure-dents apparurent en Nouvelle-Angleterre dans les années 1870 et pouvaient en produire plus de 2 millions par jour.