Une orchidée discrète… mais grisante !

Par Michel Aubé, passionné de Biodiversité

Les orchidées sont parmi les plantes les plus fascinantes, tant par leurs coloris que par leurs formes curieuses et variées. Pour le botaniste, elles se distinguent aussi par la diversité des stratagèmes utilisés pour attirer les insectes et assurer leur pollinisation.

Parmi la cinquantaine d’espèces d’orchidées présentes dans la flore québécoise, l’Épipactis petithellébore est la seule qui ait été importée, vraisemblablement pour des raisons médicinales. Originaire d’Europe, elle a été observée pour la première fois au Québec en 1892, et elle est désormais abondante de l’Abitibi à la Gaspésie. Bien naturalisée, c’est la seule de nos orchidées sauvages dont la transplantation est aisée.

Présente au CINLB, c’est une petite plante de 30-50 cm de hauteur, dont les fleurs discrètes, à peine de la taille d’un petit pois, se regroupent par dizaines en épi autour de la tige. Leurs teintes pastel allient le vert au jaune, au rose et au mauve. Déjà en 1877, Darwin, grand spécialiste des orchidées, se demandait comment cette petite fleur, moins éblouissante que la plupart de ses cousines, s’y prenait pour capter l’attention des pollinisateurs.

L’étude récente de son nectar a permis d’élucider cette énigme. Celui-ci contient une centaine de composants, dont certains, tels le furfural, l’eugénol et la vanilline, produisent des odeurs très prisées par les insectes, comme celles de l’amande, du clou de girofle et de la vanille. L’Épipactis petithellébore émet aussi des composants volatiles qui sont habituellement produits lorsqu’une plante est attaquée par certaines chenilles. Ces odeurs alertent et attirent des insectes prédateurs de ces chenilles, dont certaines guêpes. C’est évidemment un leurre, mais il contribue à augmenter le nombre et la diversité de pollinisateurs visitant cette petite plante.

Une fois attirés, les insectes doivent être gardés sur la plante suffisamment longtemps pour se couvrir largement de pollen. Pour cela, la plante va carrément droguer ses visiteurs! Car son nectar contient aussi de l’oxycodone, un analgésique de la famille des opioïdes utilisé surtout en cas de douleurs cancéreuses intenses, et qui s’avère deux fois plus puissant que la morphine. La dose est infime, et les insectes, ainsi gavés de nectar, s’attarderont plus ou moins ivres parmi les pétales, imprégnant copieusement leurs pattes de pollen.

Les fleurs de l’Épipactis petit-hellébore ont des teintes pastel alliant le vert au jaune, au rose et au mauve. – WIKIMEDIA COMMONS 

Le nectar  de la fleur contient des substances qui grisent les insectes, les amenant à trébucher au travers de l’inflorescence et à charger leurs pattes de pollen. – WIKIMEDIA COMMONS